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Pour un moratoire sur le projet d’éoliennes offshore Groix-Belle-Île

TRIBUNE, par Pascale des Mazery, membre du collectif Horizon Groisillon

Le gouvernement a fait connaître le 21 mai sa décision sur le projet industriel d’éoliennes flottantes au large de Groix et de Belle-Île : il ouvre un « dialogue concurrentiel » pour le choix d’un industriel qui implantera 20 éoliennes de 260 mètres de haut dans une zone dont la limite Nord est située à 28 km de Groix et la limite Est à 15 km de Belle-Île. Une seconde tranche de 40 éoliennes sera par la suite attribuée sur un périmètre recouvrant la première zone tout en la prolongeant vers le Sud.

Le gouvernement a choisi de ne pas tenir compte des conclusions du débat conduit de juillet à décembre 2020 par la CNDP (Commission Nationale du Débat public), qui insistait dans son compte-rendu sur le caractère non consensuel du périmètre d’étude soumis à consultation, et sur la place accordée à l’impact paysager dans les avis exprimés par le public. Comme l’a souligné Chantal Jouanno, présidente de la CNDP, lors de la séance de restitution de la décision gouvernementale organisée le 27 mai, la découverte d’une sensibilité très importante aux questions paysagères constituait pourtant un des principaux enseignements du débat public, qui aurait par ailleurs dû permettre aux parties prenantes de s’exprimer sur l’opportunité même d’un tel projet au large de Groix et Belle-Île, ce qui n’a jamais été le cas.

La volonté de désamorcer la colère des pêcheurs en se calant sur un des périmètres privilégiés par la profession pour installer les éoliennes explique en partie cette décision, mais elle n’explique pas tout : les pêcheurs avaient également désigné des zones plus lointaines, qui n’ont pas été retenues. Le ministère de l’environnement souhaitait également satisfaire les industriels, auxquels il demande de présenter des offres respectant le prix plafond de 120 €/MWh pour le rachat de l’électricité par EDF, ce qui est plus facile lorsque les installations sont proches de la terre.

Un choix prioritairement économique

La décision du gouvernement fait finalement primer les considérations économiques sur toutes les autres considérations, y compris environnementales, son seul engagement étant de demander au lauréat de l’appel d’offres de poursuivre les études sur l’écosystème concomitamment à la mise en exploitation des éoliennes. Sur le plan économique, les retombées en emplois locaux sont pourtant apparues singulièrement hypothétiques lors de la réunion de restitution du 27 mai : il a été rappelé que le recours à du personnel local ne pouvait pas être imposé dans le cadre d’un appel d’offre conforme au droit européen, et que la maintenance pouvait aussi être assurée par des personnels de toutes nationalités –y compris extra-européenne- acheminés par bateau.

L’association Horizon Groisillon s’est constituée après l’ouverture du débat public sur les éoliennes de Bretagne Sud pour défendre des causes qui sont exposées dans son cahier d’acteur consultable sur internet (https://eolbretsud.debatpublic.fr/wp-content/uploads/EolBredSud-Cahierdacteur-14-Horizon-Groisillon.pdf) : défense de l’environnement, défense de l’horizon maritime, lutte contre les atteintes portées à des paysages exceptionnels, recouvrant plusieurs sites classés, et volonté de promouvoir une transition énergétique compatible avec ces préoccupations. Elle se bat contre certaines affirmations trompeuses, comme celle selon laquelle l’éolien maritime contribuerait à la lutte contre le réchauffement climatique : l’éolien contribue bien à la diversification du mix électrique français, mais pas à la réduction des émissions de carbone, car il se substitue en France à une énergie largement décarbonée.

La décision du 21 mai place les futures éoliennes flottantes à une distance minimale de 28 km des côtes groisillonnes, et non plus de 17 km comme c’était le cas dans le périmètre d’étude initial. Pour autant, les éoliennes resteront visibles sur la ligne d’horizon. Leur impact visuel ne sera pas celui des trois éoliennes « expérimentales » dont la mise en service, après de multiples vicissitudes, est désormais annoncé pour 2024 : ces dernières, situées à 15 km des côtes de Groix, paraîtront plus imposantes en taille au promeneur, mais le parc industriel aura une emprise sur l’horizon plus importante.

Les incohérences du projet

Il nous semble de ce fait indispensable de continuer notre combat, et de réclamer un éloignement maximal des côtes pour lequel nous ne manquons pas d’arguments. Le gouvernement n’a jamais voulu envisager une alternative à sa zone d’étude initiale au motif qu’une distance supérieure à 50 km imposerait un raccordement en courant continu, et non plus en courant alternatif, et que cette autre option serait économiquement inopportune pour un parc de 700 MW. Il est néanmoins prêt à l’envisager pour les parcs de 2000 MW qui d’après ses projections ceintureraient d’ici 10 ans les côtes bretonnes pour respecter la trajectoire tracée par la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE). Dans le même temps, il s’apprête à dépenser 240 M€ en pure perte pour les trois éoliennes « pilotes » de Groix et Belle-Île, projet qui n’a plus rien d’expérimental puisque son calendrier percute désormais celui du parc industriel, sans permettre de retour d’expérience du prototype à la série.

Ces 240 M€ permettraient sans aucun doute de financer le surcoût que représenterait le déplacement du futur parc industriel à l’ouest de la zone choisie par le gouvernement au mépris des avis exprimés dans le cadre du débat public.

Solidaires de nos voisins de Belle-Île et de Quiberon, nous réclamons une interruption du dialogue concurrentiel lancé le 21 mai, et l’instauration d’un moratoire permettant de revoir l’économie du projet dans un sens respectueux des paysages et de l’environnement bretons. 

Éoliennes en images, épisode 5 : les limites de la perception humaine (2/2)

Dans l’épisode 3 nous avions vu que des objets, même très grands, pouvaient finir par disparaître de notre vue du fait de la rotondité de la terre. Et dans l’épisode 4 nous avons vu que si la terre était plate ou si les objets volaient (comme les avions, ou plus loin la station spatiale internationale, par exemple) nous ne les verrions pas pour autant jusqu’à l’infini.

Mais comme nous le constations à la fin de l’article précédent, le sommet d’un objet terrestre ou marin disparaît beaucoup plus vite de notre vue du fait de la rotondité de la terre que du fait des limites de notre vision. Alors pourquoi aborder ce sujet dans l’article précédent ? Tout simplement parce que l’attention de tous s’est focalisée sur la grande hauteur des éoliennes dont il est question dans le projet « Groix-Belle-Île ».

Pour commencer, une petite anecdote. Depuis des décennies, court une fable qui refait surface à intervalles plus ou moins réguliers, concernant la grande muraille de Chine, prétendument le seul édifice humain visible à l’œil nu depuis la lune. Évidemment, cette affirmation est absurde.

Certains, essayant de redorer le blason de cette fable, ont suggéré ensuite qu’il fallait comprendre « depuis la station spatiale ». Manque de pot, c’est tout aussi invraisemblable, et cela a été démenti à plusieurs reprises par la plupart des visiteurs de la station spatiale internationale. C’est en effet impossible, et nous allons voir pourquoi avant de revenir à nos éoliennes.

Pour savoir si un objet est visible encore faut-il considérer toutes ses dimensions. Si nous suspendions devant nous 2 m de fil à coudre, il suffirait de reculer pas bien loin pour cesser de le voir, et ceci malgré ses 10 m de long. Concrètement, ce que nous avons vu dans l’épisode précédent signifie que la distance limite de vision d’un objet d’une dizaine de mètres de large se situe aux alentours d’une trentaine de kilomètres. La station spatiale internationale est située à plus de 400 km d’altitude. Cela implique que la taille des plus petits objets ronds ou carrés visibles est d’un peu plus d’une centaine de mètres. Par exemple, les pyramides de Khéops et Khéphren (pyramides carrées d’environ 230 et 215 m de côté, respectivement) à Gizeh sont visibles de là-haut.

La grande muraille de Chine a beau être longue de milliers de kilomètres, elle n’en disparaît pas moins aux yeux des hommes très rapidement dès qu’on s’en éloigne. Haute au maximum de 7 m et large d’au plus 5 m, même si on la regarde sous l’angle le plus favorable, l’emprise sur le paysage reste en dessous des 10 m de large et donc au-delà d’une trentaine de km elle disparaît de notre vue. Alors à 400 km de distance… Sans commentaires !

Qu’en est-il alors de nos éoliennes ? Eh bien il en va de même pour elles. Si on veut pouvoir raisonner sur leur visibilité, il faut également s’intéresser à leur diamètre ; quant aux pales il en va de même, il faudrait savoir quelle est exactement leur largeur.

Ces données ne figurant malheureusement pas dans le dossier de la consultation publique (pourquoi d’ailleurs ?) il nous a fallu recourir à un expédient pour pouvoir s’en faire au moins une idée approximative, à partir d’une photo de l’éolienne Haliade-X 12 MW, téléchargeable sur le site de General Electric(1).

À partir de cette photo, placée dans un logiciel de dessin et de la hauteur connue du mât (150 m) nous pouvons faire une estimation grossière du diamètre du mât à sa base. Ce n’est pas formidable mais cela donne un ordre de grandeur acceptable qui suffit pour la démonstration qui va suivre.

La sélection rectangulaire qui encadre tant bien que mal le mât de cette photo, dans le logiciel de dessin, fait 34 pixels x 462 pixels. Sans le biais de l’angle de prise de vue, cela donnerait une largeur de : 150 m x 34 px / 462 px = 11 m. Comme la déformation hauteur/largeur ne peut que défavoriser la hauteur, cette valeur est calculée par excès, tant mieux, on ne pourra pas penser que je cherche à minimiser l’impact sur le paysage.

Faisons comme si cette valeur était la valeur exacte du diamètre ; à partir de quelle distance le mât cesserait-il d’être visible pour l’œil humain ? Reprenons les données fournies dans l’article précédent. Pour un pouvoir séparateur de l’œil humain de 0,017 degrés un objet de 11 m de large ne pourra plus être distingué à partir de 33 km environ. On pourrait ajouter qu’à cette distance, la base du mât a disparu sous l’horizon et que la portion restante est de diamètre moindre, mais nous en sommes à un tel niveau d’approximation que ce serait ridicule d’essayer de mégoter sur quelques décimètres.

Dans l’article n° 3 sur la courbure terrestre et le passage sous l’horizon nous constations que la disparition d’une éolienne de 260 m sous l’horizon d’une personne située sur nos falaises se situerait à plus de 80 km de nos côtes. Mais ce que nous voyons aujourd’hui, c’est qu’en réalité cette éolienne devient invisible bien avant pour notre œil, qui n’a rien de bionique, du fait de son « faible » diamètre.

Conclusion : la rétine de notre œil est un espace à deux dimensions et il n’est pas toujours pertinent de se focaliser sur la hauteur ou la longueur d’un objet. Tout dépend de ce que l’on cherche à démontrer.

Nous avons déjà fait un bon tour des questions de visibilité en mer. Il serait fastidieux et hors de nos compétences de vouloir prétendre à l’exhaustivité en la matière. Nous aborderons cependant dans un 6e et dernier article quelques éléments de réflexion complémentaires sur certains facteurs augmentant ou diminuant cette visibilité.

(1) https://www.ge.com/news/press-releases/haliade-x-12-mw-de-ge-eolienne-la-plus-puissante-au-monde-produit-son-premier
(attention le fichier à télécharger est très gros, plus de 30 Mo)

Crédit photo : d’après une œuvre originale de Nicolas Perrault III

Épisode 6 à venir…

Éoliennes en images, épisode 4 : limite de la vision humaine (1/2)

Dans l’article précédent nous avons vu que des objets, même très grands, pouvaient finir par disparaître de notre vue du fait de la rotondité de la terre. Mais si la terre était plate que se passerait-il ? Verrions-nous pour autant jusqu’à l’infini ? Évidemment non. Mais quelle est la limite ?

Il y a plusieurs limites à la vision humaine « normale » mais nous n’allons nous intéresser ici qu’à une seule d’entre elles : le pouvoir séparateur de l’œil.

Mais tout d’abord, comment caractériser quelque chose qui nous apparaît grand ou petit ? On ne peut pas le faire en donnant sa hauteur puisque plus on s’éloigne d’un objet et plus on a l’impression qu’il rapetisse. En fait, l’impression de la taille d’un objet tel qu’il nous apparaît est ce qu’on appelle la « taille apparente » ; et cette taille apparente se mesure en angle.

Le pouvoir séparateur de l’œil représente l’aptitude de l’œil humain à distinguer deux points écartés l’un de l’autre. Si on mesurait l’écart entre les points on serait obligé de préciser la distance à laquelle on regarde ; par exemple dire que la limite pour l’œil humain est d’environ 1 mm pour deux points situés à environ 3 m de l’œil.

Comme pour la taille apparente, pour exprimer cette caractéristique sans que l’écart entre les deux points à distinguer dépende de la distance à laquelle on observe on exprime cet écart sous forme d’angle.

Le pouvoir séparateur de l’œil, exprimé en angle est d’environ 1 minute d’arc, c’est-à-dire 0,017 degré. Encore faudrait-il, pour distinguer deux points aussi rapprochés qu’ils soient extrêmement contrastés par rapport au fond ; c’est donc une limite maximale rarement atteinte dans la pratique.

Conséquence : au mieux l’œil humain distingue deux points séparés de 1 mm à 3 m, de 1 m à 3 km, de 100 m à 300 km et de 260 m à 780 km.

Revenons à notre sujet. Nous l’avons dit précédemment, la terre n’est pas plate et à un peu plus de 60 km, un objet de 260 m de haut passe sous l’horizon visible d’une personne située à environ 40 m d’altitude. Alors pourquoi se donner le mal de parler du pouvoir séparateur de l’œil humain puisque les éoliennes ne volent pas et que les côtes de notre île ne dépassent pas les 40 m ?

Les plus fûté⋅e⋅s ont sans doute déjà trouvé la réponse. Pour les autres, ou pour vérifier votre réponse, rendez-vous au prochain article.

Crédit photo : Laitr Keiows

Éoliennes en images, épisode 3 : courbure terrestre et horizon

            13 décembre 2020 par Étienne Durup

Dans l’épisode 2, nous nous sommes arrêtés sur la constatation frustrante suivante : malgré l’apport incontestable d’un schéma comparatif à la même échelle de différents objets connus, l’opinion que j’essaie de me faire sur le projet d’éoliennes, et notamment la question de leur visibilité nécessite un peu de travail supplémentaire.

Plusieurs facteurs peuvent intervenir sur la vision que l’on a d’un objet dans la nature. Si on laisse de côté la qualité de la vision de la personne qui observe, on peut citer en particulier :

  1. la taille de l’objet (élément discuté dans notre épisode précédent, mais nous y reviendrons) ;
  2. la distance à laquelle il se trouve ;
  3. la luminosité et les contrastes de couleur ;
  4. les caractéristiques de l’atmosphère ;
  5. les obstacles.

Aujourd’hui, nous allons parler de la combinaison des points 2 et 5.

Pour commencer, nous écartons de la discussion les obstacles naturels ou non que peuvent constituer par exemple les navires ou les terres émergées en milieu marin. Nous considérons qu’aucun bateau ne vient s’interposer entre nous et l’objectif, ni aucune terre émergée et on suppose, par conséquent, qu’on n’est pas allé lâchement se fourrer de l’autre côté de l’île, quelque part entre les grands sables et le fort du Grognon.

Alors pourquoi diable, sommes-nous en train de parler d’obstacle ?

Eh bien tout simplement parce que la terre est “ronde” (il vaudrait mieux dire “sphérique” et ce serait encore faux vu qu’elle est légèrement aplatie aux pôles) ; de ce fait, à partir d’un certain moment elle constitue elle-même l’obstacle. Expliquons cela par un schéma.

Si un objet est suffisamment loin de la personne qui l’observe, la partie basse disparaît peu à peu sous la ligne d’horizon au fur et à mesure que la distance augmente entre les deux.

Bien entendu les tailles du petit bonhomme et de la tour Eiffel sont exagérées sur ce schéma, mais il est facile de faire le calcul de la ligne d’horizon théorique d’une personne située à une hauteur donnée, dès lors qu’on connaît la taille de la personne et l’altitude à laquelle elle se trouve.

Le schéma(1) donne une formule de calcul approximative mais suffisante pour notre propos(2).

J’invite les élèves de 4e à réviser ici leur théorème de Pythagore. Ils pourront faire le calcul eux-mêmes sachant que le rayon de la terre est en moyenne de 6 371 km (eh oui, je l’ai déjà dit plus haut, la terre n’est pas parfaitement sphérique). Il devrait trouver un coefficient multiplicateur d’environ 12,74 ce qui n’est en effet pas très loin de 13 lorsqu’on sait toutes les approximations que nous pouvons nous permettre dans ces calculs (voir les prochains épisodes).

À partir de là, il devient facile de calculer la distance de l’horizon dans différentes situations. Le tableau ci-dessous en donne quelques exemples.

Hauteur des yeux (en m)Distance horizon (en km)
1,74,7
11,712,3
21,716,8
4022,8
30062,4
Distance à laquelle se situe l’horizon pour un observateur dont les yeux se trouvent à une altitude donnée ; les trois premières lignes correspondent respectivement à une personne d’environ 1,80 m située au niveau de la mer, à 10 m et 20 m d’altitude.

Mais que devient notre tour Eiffel dans tout ça (en admettant qu’elle flotte sur l’eau) ? À partir de quel moment son extrémité passe-t-elle sous la ligne d’horizon du petit bonhomme (c’est peut-être une petite bonne femme d’ailleurs…).

Pour le savoir il suffit de lui appliquer la même méthode en calculant tout simplement la distance à la ligne d’horizon de son sommet. Faisons simple et disons qu’elle mesure 300 m. La ligne d’horizon de quelqu’un observant depuis son sommet serait donc située à environ 62 km.

Elle serait donc sous l’horizon d’une personne dont les yeux seraient à 40 m d’altitude, si cette personne était située à environ 62 + 23 km, soit environ 85 km de distance (à ce stade les centaines de mètres n’ont plus de sens).

Si elle était plus proche, la personne l’observant de loin en verrait-elle un bout qui dépasse ?

Et si elle était plus loin, est-il certain qu’on ne la verrait pas dépasser ?

Et pour nos éoliennes ?

La réponse à ces trois questions est une autre histoire, que nous aborderons dans les prochains épisodes.

Éoliennes en images, épisode 2 : les échelles comparatives

Une échelle comparative a pour objet d’aider notre esprit à améliorer la représentation qu’il a des dimensions d’un objet inconnu ou dont la dimension donnée ne représente pas grand chose pour nous. L’idée est de comparer cet objet à un autre qui, lui, nous est bien connu et surtout en rapport avec notre vécu, notre expérience personnelle.

Il y a deux conditions pour que la comparaison proposée soit pertinente dans un contexte donné. La première est que les éléments de comparaison fournis soient connus et qu’ils aient un sens pour nous. Nous aborderons la seconde condition un peu plus tard.

Quand la comparaison n’est pas directe mais implique une répétition et donc un nombre, cette condition de connu n’est pas toujours suffisante. Il faut aussi que le facteur multiplicateur ait un sens pour nous. Si on vous dit combien il faudrait empiler de feuilles de papier à cigarette pour obtenir une pile aussi haute que la distance de la terre à la lune, ça ne vous aidera pas beaucoup à appréhender cette distance, même si vous avez déjà vu une feuille de papier à cigarette.

assiette et cuiller

Dînette ? Assiette et cuiller à dessert (ou même petite cuiller) ? Ou bien grande assiette et cuiller à soupe ?
Si l’on regarde la photo ci-contre, sans connaître l’un des éléments qui la compose, il est difficile de se faire une idée de leurs dimensions exactes.

assiette, cuiller et pièce de 1 euro

En revanche, si l’on montre à côté un objet connu, ici une pièce de 1 euro, alors il est possible d’avoir une représentation mentale approximative des dimensions des objets. Cependant, il manque le vécu, on ne pose pas une pièce de un euros à côté de son assiette tous les midis et ça nous demande un effort de raisonnement supplémentaire pour ajuster notre point de vue.

assiette, cuiller et tasse à espresso

Mais si on pose un objet qui non seulement nous est connu mais fait partie d’une scène déjà vécue, et dont la dimension se rapproche de celle des autres objets, alors là l’intuition est immédiate. Si on vous dit que la tasse posée ici est une tasse à espresso alors le reste apparaît d’emblée comme étant une sous-tasse à café et une cuiller à espresso (plus petite qu’une cuiller à café).

Mais revenons à nos moutons et à notre image comparative d’éolienne.

Dessin sur quadrillage (un carreau = 100 m) de la tour Eiffel (324 m), d'une éolienne (260 m avec une pale à la verticale), du bateau Breizh Nevez (16 m de haut) et du phare de Pen Men perché sur sa falaise à Groix (64 m en tout, falaise + phare).
Dessin à l’échelle, comparant une éolienne de 260 m (avec une des ses pales à la verticale) et quelques monuments connus

Ce schéma, réalisé par le collectif « HORIZON GROISILLON », a le mérite de nous donner une représentation de la taille des éoliennes dont il est question, pour ceux qui connaissent la tour Eiffel et surtout, pour les Groisillons qui connaissent bien leur phare. Tel que c’est dessiné on peut dire qu’en gros elle est représentée à moins de 300 m de la côte et, sûr et certain, à voir ceci, nous n’aimerions vraiment pas la voir à cette distance.

Cependant, telle n’est pas la question puisque ce n’est pas le projet. Et tel n’était pas non plus le propos de l’auteur de cette comparaison. La question est alors : qu’apporte cette image effrayante à l’opinion que j’essaie de me faire sur le projet d’éoliennes ? Eh bien, à la vérité, pas grand chose sans un peu de travail supplémentaire. Ce sera l’objet des prochains articles.

Horizon groisillon

Une association est née à Groix qui a pour objet de mobiliser les Groisillons au sujet du projet d’éoliennes et du débat public auquel il est soumis.
Elle recueille par pétition(1) leur signature pour demander :
• « Que le parc éolien soit installé le plus loin possible de la côte sauvage
• « Qu’une réflexion spécifique sur la taille pharaonique du projet soit menée »

Cette association a rédigé un cahier d’acteur dans le cadre de la consultation organisée par la CNDP (Commission nationale du débat public). L’ensemble des cahiers d’acteurs sont disponibles en ligne sur la page cahiers d’acteurs de la consultation. Il en existe 18 à ce jour.
On peut lire avec intérêt le cahier d’acteur de l’association Horizon groisillon.

(1) https://www.mesopinions.com/petition/nature-environnement/aux-eoliennes-visibles-groix/110634

Éoliennes en images, épisode 1 : de quoi s’agit-il ?

Dans le dossier du projet d’éoliennes qui nous agite et nous interroge actuellement, les images ont la part belle. On se rappelle tous le fameux slogan de Paris Match qui a fait fureur pendant longtemps :

Le poids des mots, le choc des photos

[Slogan inventé par Jean Cau]

Le problème du choc, voire de l’électrochoc, c’est qu’il ne fait pas appel à la raison mais aux tripes. La réaction viscérale remplace la dialectique et l’impression prend le pas sur l’analyse des faits. C’est vrai de certaines photos, mais aussi des images et des graphiques.

Depuis le début du débat sur le projet d’éoliennes au large de Groix et Belle-Île, on a vu fleurir moult illustrations, des plus sérieuses aux plus fantaisistes, mais jamais soumises à la nécessaire mise en perspective du sens qu’on peut en tirer et de leur apport réel au débat. Notez, par ailleurs, que si j’ai bien une opinion sur ce projet d’éoliennes, mon propos n’est pas d’en débattre dans cette série de courts articles, il est uniquement d’essayer de faire le point sur ce que ces illustrations nous apportent.

Et pour commencer, place à quelques illustrations glanées ça et là.

Image de la pétition « Non aux éoliennes visibles depuis Groix »
Échelle comparative de hauteurs – Source : Horizon GroisillonInvisibles les éoliennes ?

Ces images sont censées éclairer notre jugement ; il y en a d’autres mais celles-ci constituent un ensemble suffisant pour illustrer mon propos. Nous commencerons par le schéma, dans le prochain article.

Crédit photographique : Ragnar1904 (Wikimedia Commons)

Épisode suivant

Du vent ?

L’idée de capter l’énergie fournie par la force du vent n’est pas nouvelle mais elle se concrétise bientôt à grande échelle en Europe et en France même.

Emplacements des projets d’éoliens marins en France – Source : CNDP (Projet d’éoliennes flottantes au sud de la Bretagne)

Notre région de sud Bretagne a été remarquée et retenue pour y développer cette industrie de production d’électricité ” offshore ”. Une technique nouvelle qui consiste à implanter des éoliennes flottantes devrait permettre de situer le parc en mer profonde; plus éloignée du rivage que les éoliennes posées.

La ferme pilote

Une ferme expérimentale de 3 éoliennes mutualisées et raccordées au continent va s’installer au large de Groix pour une durée de 20 ans. Après quoi, elle sera démontée.

Cette installation appelée ”Ferme pilote” sera raccordée au réseau électrique breton à partir de la plage de Kerhillio à Erdeven.

Carte montrant l'implantation de la ferme de trois éoliennes au sud de Groix, nord-ouest de Belle-Île, ouest-nord-ouest du phare des Birvideaux.
Implantation de la ferme de 3 éoliennes entre Groix et Belle-Île

Historique

Une concertation locale en 2013 / 2014 a abouti à un appel à projet en 2015 pour un déploiement en 2021. La société EOLFI qui a remporté en 2016 le “projet EOLFLO de l’ADEME”. l’a présenté au Président de la République en présence de J-Y Le Drian et N. Hulot en juin 2018, lors de sa visite au cap Fréhel.

Les avis favorables, autorisations et concessions sont signés et ratifiés en mai 2019. Les accords de financement d’investissement par l’ADEME (Etat français), et de production-vente de l’électricité à EDF, sont établis, et approuvés par la Commission européenne.

coûts de production :

  • éolien terrestre = 79 à 96 Eu MWh
  • éolien offshore posé = 123 à 227 Eu MWh
  • éolien offshore flottant = 165 à 364 Eu MWh (évaluations)
  • prix moyen de production de l’électricité = 40 Eu MWh

source: commission européenne (décision ayant pour objet : Aide d’État SA.49674 (2018/N) – France – EFGBI)

7 octobre 2019 : Le dossier se finalise par le choix du constructeur de turbines et la signature d’un contrat avec ”MHI VESTAS OFFSHORE WIND” entreprise danoise(1). En présence de J-Y Le Drian et de son Altesse le Prince du Danemark, en visite en France.

Le projet EOLFI est constitué de :

  • partenaires industriels:
    • NAVAL ENERGY (plateforme flottante semi-submersible)
    • MHI VESTAS OFFSHORE (3 turbines de 9,5MW)
    • RTE (raccordements électriques)
  • partenaires financiers:
    • CGN Europe Energy (entreprise chinoise)
    • Banque des territoires (C d C)
    • L’ ADEME (Etat français)

Le 5 novembre 2019, EOLFI, entreprise française développeur d’énergies renouvelables depuis 2004 et lauréate de l’appel à projet est rachetée à 100% par la multinationale pétrolière Shell(2).

Décembre 2019, le Ministère de l’Économie et des Finances approuve le rachat d’EOLFI par Shell.

La ferme d’éoliennes flottantes de Groix et Belle-Île

  • 12 Km de Groix
  • Sur 60 à 70 m de fond
  • Emprise de 14,3 km2 (Concession de 40 ans. Concession à RTE de 32 km2)
  • Hauteur maximale (bout de pale) = 180 m
  • Puissance totale 28,5 MW (capacité maximale: 20 000 foyers fournis)
  • Atterrage : plage de Kerhillio / Erdeven
  • Mise en fonctionnement: 2021 / 2022

Le débat en cours

Il porte sur 2 autres projets de parc commercial d’éoliennes flottantes en Bretagne sud.

Carte de la zone de débat public sur l'éolien flottant au large de Groix et Belle-Île. Cette carte montre deux zones de débat : celle d'implantation des éoliennes flottantes et celle d'atterrage des câbles au niveau de la côte.
Source : CNDP (Projet d’éoliennes flottantes au sud de la Bretagne)

Un premier projet pour un parc de 250 MW / 25 à 30 éoliennes

  • Sur une emprise de 50 km2
  • Réalisation et mise en route = 2024 à 2028

relié à un deuxième projet pour un parc de 500 MW / 55 à 65 éoliennes

  • sur une emprise de 100 km2
  • Réalisation et mise en route après 2028

Un débat public se déroule actuellement et se termine à la fin de ce mois-ci(3). Il vise à faire participer la population à l’identification du meilleur emplacement. Un questionnaire est proposé dans lequel on peut approuver ou non les projets et choisir dans une vaste zone le meilleur emplacement des parcs, ainsi que le lieu possible de l’atterrage sur le continent.

La maîtrise d’ouvrage déclarée est RTE, le ministère de la Transition écologique et la région Bretagne. EOLFI est maître d’ouvrage délégué.

Il n’y a pas encore d’appel à projets.

Zone carroyée au sud de Groix et ouest de Belle-Île montrant les 26 parcelles possibles d'implantation des fermes d'éoliennes
Zone carroyée soumise au débat public – Source : commission nationale du débat public – Éoliennes flottantes
au sud de la Bretagne https://eolbretsud.debatpublic.fr/

(1) En 2018 le constructeur de turbines choisi était GE (Général Electric) qui devait implanter 4 éoliennes de 6MW.

(2) Shell, 2e groupe pétrolier mondial :

  • déclarée l’entreprise la plus émettrice de CO2 au monde depuis 1965 ;
  • championne de la “fiscalité douce” ;
  • généreuse donatrice de conseils au sein des institutions européennes : 5 millions d’euros déclarés de lobbying en 2017 à la Commission européenne.

(3) La Commission Nationale du Débat Public (CNDP) est chargée d’organiser ces débats et ce questionnaire. https://eolbretsud.debatpublic.fr