Privatisation de l’Ehpad. Comment la mairie a étouffé un projet alternatif

Aussi incroyable que cela puisse paraître, au regard des enjeux économiques, sociaux et de cohésion de la population locale, le projet de privatisation de l’Ehpad est, selon des sources internes à l’établissement, le produit d’un caprice de l’ancien maire à la fin novembre 2024. Oui, un caprice, c’est-à-dire une décision prise un beau matin sans crier gare, stoppant net un plan de sauvetage engagé en interne. Ce plan, a été élaboré au lendemain d’une grève des soignantes, par un service de ressources humaines, interne à l’Ephad, compétent et expérimenté dans la gestion de ce type d’établissement. 

Un caprice né, toujours selon nos sources, d’une vexation provoquée par une grève d’une journée en février 2024, suivie d’une manifestation devant la mairie que le maire pensait pouvoir régler par une discussion dans son bureau selon sa méthode habituelle de résolution des conflits et que les grévistes avaient refusée. Quelques mois plus tard, un audit social est venu confirmer l’état dégradé du management et son impact sur la santé du personnel, nourrissant un peu plus encore le découragement de l’édile.

Un caprice encore quand une décision de cette importance a été prise sans sonder pas plus le réseau des aides à domicle que les instances représentatives de la population comme le Conseil municipal, le Centre communal d’Action Social (CCAS) et le Conseil de la Vie Sociale (CVS), pourtant capables de mobiliser des compétences locales pour tenter de trouver une solution.

Un caprice enfin qui ne donne pas dans la légèreté puisque dès à présent, et avant même toute délibération réglementaire, un ménage social et financier est réalisé par l’actuelle autorité, mairie et direction, main dans la main, afin de rendre la situation acceptable par le repreneur, en l’occurrence le groupe VYV Mutualité. Sans nos interventions d’élus d’opposition à plusieurs reprises lors des conseils municipaux, le processus se serait déroulé discrètement jusqu’à une mise devant le fait accompli des conseillers municipaux assortie d’un chantage « c’est ça ou la fermeture ». Comment résister à un tel dilemme organisé dans la précipitation ?

Non à la privatisation de l’Ehpad

Nous l’avons déjà formulé nous ne sommes pas favorables à la privatisation tant que des solutions locales et en interne n’ont pas été tentées. Il s’agirait, d’une part de redresser la situation financière et d’autre part d’enrayer l’absentéisme dont la cause est plutôt à chercher dans les conditions de travail catastrophiques plutôt que dans la désinvolture des personnels comme le laisse entendre l’actuelle maire. 

Pourquoi tant de hâte ? Pour nous, il s’agit de construire une alternative tout en appelant la population à soutenir sa maison de retraite publique. Il y va de la prise en compte de notre situation d’iliens, des prestations aux résidents de l’emploi local, des débouchés pour les productions locales comme du contrôle de l’avenir de l’établissement. 

Pour consolider notre position nous avons enquêté, au cœur du réacteur mais aussi à l’extérieur de l’Ehpad. Et là, surprise, nous avons découvert l’existence de ce plan de sauvetage. Le plan, à la fois ambitieux, professionnel et raisonnable répondait à la volonté de maintenir l’Ehpad dans le giron de la commune. Il aurait malgré tout nécessité des aides communales  voire départementales, ni plus ni moins que bien d’autres Ehpad publics, en concertation avec l’ARS. Une action commune avec les maires concernés par le déficit de leur Ehpad aurait été la bienvenue. A Groix rien de tel, ce qui renforce encore l’impression de caprice du maire.

Un projet bouclé pour la fin de l’année        

Partageant les mêmes conclusions que l’audit social réalisé à la suite de la grève et inspiré des techniques éprouvées de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, le plan visait à consolider l’équipe des professionnels tout en réduisant les coûts. Il proposait de titulariser 9 postes dans le but d’améliorer les conditions de travail en réduisant la précarité induite par le recours aux CDD. Il prévoyait également de revoir les rémunérations en tenant compte des responsabilités et de l’implication dans le travail. Une politique volontariste d’accès au logement était engagée en constatant que certains salariés avec enfants vivaient chez leurs parents ou en caravane et qu’en trois ans, aucune demande de logement social n’avait été satisfaite. Le plan incitait également un à recours uniquement à des CDD plutôt qu’à l’interim, ruineux.

Pourquoi le maire et sa majorité n’ont-ils jamais fait état de ce plan devant le Conseil municipal en réponse à nos demandes insistantes depuis la fin 2024 sur la recherche de solutions locales, ou devant l’instance concernée au premier chef, le CCAS ? Pour masquer l’alternative et se mettre dans l’obligation d’appeler la Mutualité au secours? Au lieu de cela un projet de privatisation a été mis en route comme seule issue possible et confirmé par le maire le 20 juin dernier devant le CVS. Le Conseil de Vie Sociale est une structure regroupant des représentants des familles, du personnel, des bénévoles ainsi que la présidente du CCAS, Marie-Françoise Roger, la nouvelle Maire. Moyennant quoi les 9 titularisations programmées depuis octobre 2024 ont été suspendues ou remises en cause et les personnels concernés sommés d’accepter un CDD précaire. A regarder de près les emplois en danger tels qu’indiqués dans l’état des effectifs distribué au Conseil d’administration du CCAS du 13 mai dernier, on comprend très vite que la manœuvre autour des titularisations prépare l’arrivée de la Mutualité. Par exemple : 4 postes à la cuisine sont concernés auquel s’ajoute un autre en retraite progressive. Décryptage : la cuisine sera externalisée ce que propose le repreneur dans sa logique de mutualisation des servicesLes repas arriveront par camionnette réfrigerée depuis le continent, en barquettes, et rechauffés sur place. Finie la cuisine locale et ses odeurs qui dès le milieu de la matinée stimulent les sens des pensionnaires. Al’heure où la France est engagée dans une démarche d’amélioration continue avec le label « Services Publics + », à Groix, le poste de l’assistante des ressources humaines est d’ores et déjà vidé de sa substance, ce qui est illégal. En effet, la gestion des payes, part importante de sa fonction, seront externalisées  à compter du 1er janvier 2026. . On voudrait se débarrasser d’un service en montrant la direction de la porte qu’on ne s’y prendrait pas autrement.

Voilà l’état de la situation. Devant le CVS, la mairie a affirmé vouloir trouver un accord avec VYV d’ici la fin de l’année. Nous sommes convaincus qu’à Groix particulièrement l’Ehpad doit rester public, quitte à ce que la municipalité et le département mettent la main à la poche pour équilibrer les comptes.

Une alternative existe

Nous devons nous échapper à ces seuls choix dans lequel la majorité municipale actuelle veut nous enfermer où il faudrait choisir entre «privatiser, fermer ou augmenter de 400 euros les tarifs » comme l’affirmait Dominique Yvon, encore maire, dans le Télégramme du 20 octobre dernier . Une alternative existe, il est encore temps d’y travailler.