Jour mémorable que ce 30 septembre 2025, date à laquelle le Conseil municipal s’est réuni. Car à défaut de pousser la majorité à renoncer à précipiter la privatisation de l’Ehpad en faveur du groupe mutualiste VYV, en l’absence de débat réunissants toutes les parties concernées les opposants au projet – dont les trois élus de l’opposition et les 700 signataires d’une pétition– ont obtenu une suspension des discussions engagées par l’actuelle Maire et le groupe VYV jusqu’au lendemain des prochaines élections municipales.
L’ambiance était électrique en cette fin d’après-midi groisillonne, quand Madame la Maire a pris la parole pour lire un courrier reçu le matin même. Dans cette lettre, le groupe mutualiste informe l’édile que compte tenu de la proximité d’échéances électorales qui pourraient amener un changement de majorité, il préfère geler les discussions. La pression que nous avons exercée pour engager des réformes urgentes en interne menées par des personnels compétents avant de confier la gestion à un groupe privé, même mutualiste, a donc payé.
Que faire en attendant l’échéance électorale ? Nous le répétons une fois encore, nous voulons tout tenter pour que l’Ehpad de Groix reste géré par la commune, tant notre situation d’Ilien nous oblige à protéger nos services publics de proximité. La situation financière de Groix le permet. Que se passerait-il demain si un opérateur extérieur venait à en prendre les rênes ? La réponse se trouve dans un compte rendu du Conseil de la vie sociale (CVS) du 20 juin dernier. Le CVS est un organisme consultatif composé de tous les acteurs impliqués dans la vie de l’Ehpad et notamment les représentants du personnel et des familles des résidents. À la question « Où seront faites les économies en cas de reprise par VYV ? » il a été répondu : « un certain nombre de services seront mutualisés, par exemple la gestion comptable et les ressources humaines, le service de restauration ». Se demande-t-on un seul instant l’effet sur des personnes âgées et dépendantes que produira l’arrivée par le bateau de repas sous vide préparés sur le continent trois jours auparavant ? Finis les odeurs d’oignons frits qui flottent dans les couloirs à partir du milieu de la matinée et qui rythment le temps des résidents en les rattachant aux rendez-vous essentiels de la vie.
Faire la lumière sur le déficit
Alors oui, pour le bien des résidents, des familles et du personnel nous nous félicitons que les six mois qui nous séparent de l’échéance électorale nous aient été donnés pour trouver une solution en vue d’un redressement de la situation financière très dégradée de l’Ehpad dans le cadre du service public. Et que surtout un véritable diagnostic du déficit annuel de plus de 200.000 euros depuis 2023 soit réalisé afin d’adapter les solutions à venir. Une fois encore nous le répétons ) un plan d’action a été présenté à la direction de l’établissement en temps et en heure, construit par plusieurs cadres de l’établissement conformément à leur devoir d’alerte, effrayés par l’état de délabrement de la situation sociale et financière, validé par des intervenants extérieurs. Conçu comme une première étape du redressement, il visait à remotiver le personnel pour endiguer une vague inquiétante d’absentéisme dont les conséquences occupent une place importante dans le déficit, notamment en raison du recours massif à l’intérim ruineux et même préjudiciable à l’organisation du travail.
Ce plan était accompagné de propositions visant à permettre au personnel d’accéder au logement. Selon nos informations, certains sont en effet logés dans le parc social quand d’autres le sont chez leurs parents ou même dans une caravane. Et depuis trois ans, aucune demande de logement social demandée à la mairie n’a été suivie d’effet, pas plus qu’une autorisation d’utiliser les réseaux sociaux pour répondre aux situations d’urgence. Désinvolture de la mairie, incompétence ou attitude délibérée en attente d’une privatisation ? En tout cas, l’effet sur le moral du personnel est gravissime. Ce plan discrètement nourri des revendications du personnel en fevrier 2024 a, dans un premier temps, été validé par la direction puis a été suspendu sur intervention du maire de l’époque, effrayé par l’ampleur de la tâche mise en évidence par un audit social
Un bateau sans gouvernail
Seulement voilà, pour mettre en œuvre un tel plan il faut un soutien politique de la mairie qui fait défaut, mais aussi une direction déterminée à sauver l’établissement qu’elle dirige. Et là, on est loin du compte. Des preuves ? En voici. Depuis le mois de mars dernier et alors que la crise sociale et financière de l’établissement ne cesse de s’aggraver, au vu et au su du personnel et des familles des résidents et dans l’indifférence de la mairie, la directrice de l’Ehpad a été absente de son poste près de la moitié de son temps de travail, soit qu’elle était en vacances, soit en télétravail. Informés par nos soins de cette situation, l’actuelle maire et l’ancien sont tombés des nues, ce qui en dit long sur l’attention qu’ils portent à la gestion quotidienne de l’Ehpad.
Plus grave encore, depuis le début du mois de juin, la comptable est absente sans espoir de retour programmé, paralysant ainsi le flux d’argent entre l’Ehpad et la Trésorerie générale. On imagine les conséquences sur la trésorerie : les fournisseurs ne sont plus payés et les familles ne sont plus prélevées.
Évidemment, dans un tel bateau sans gouvernail, pas étonnant que l’équipage profite de la moindre occasion pour quitter le navire, laissant à ceux qui restent à bord la charge insupportable de le maintenir à flot. Ainsi, faute de personnel suffisant, la vie quotidienne des résidents s’en trouve dégradée : douches données une fois par semaine voire davantage, mise au lit à partir de 17 heures, lever pas avant midi, etc. Le bateau est ivre et les familles s’en rendent compte, désarmées et en colère. Elles ont chargé leur représentant au CVS de demander des explications à la direction, maire et directrice comprises, lors d’une prochaine réunion prévue pour le 8 octobre prochain.
La liste des dysfonctionnements fauteurs de gabegie financière pourrait encore s’allonger. Mais ce que nous venons de décrire suffit largement pour renforcer notre position de refus d’une privatisation précipitée avant qu’un plan d’assainissement financier soit entrepris en interne. A commencer par mettre fin au recours massif à l’intérim. Lâcher ainsi l’Ehpad comme l’avait programmé la majorité municipale, tous ses membres étant aux ordres de la Maire et de son prédécesseur, c’est abandonner une politique primordiale de la municipalité : assurer le droit aux Groisillons de vieillir sur leur île dans la dignité tout en leur garantissant des tarifs accessibles.