À Groix, une nouvelle maire a été élue à quelques mois des élections municipales et la stratégie concernant les services publics de la commune reste la même que celle suivie par son prédécesseur.
Dernier épisode en date, le transfert de la gestion de l’Ehpad, aujourd’hui communale, à un groupe privé, autrement dit une privatisation censée apporter une solution au déficit chronique des comptes et à la crise des ressources humaines. Nous n’imaginions pas un changement radical tant la nouvelle élue est proche du maire démissionnaire. Juste une petite inflexion qui aurait pu prendre la forme d’un débat solidement préparé au sein du conseil. Hélas, il n’en est rien. La reprise par un intervenant extérieur est lancée. Serons-nous, une fois de plus, mis devant le fait accompli ? A l’évidence, les événements concernant les services publics locaux se suivent et se ressemblent.
Nous venons déjà de connaître la privatisation de la déchetterie organisée en quelques semaines à l’automne dernier par Lorient Agglo sans que le maire de l’époque n’en informe ni le Conseil municipal ni la population pourtant à fleur de peau sur la gestion des déchets.
Le même maire s’est rapproché de la Mutualité de Bretagne pour reprendre la gestion de l’Ehpad gravement déficitaire comme s’il jetait l’éponge sans avoir combattu pour garder l’établissement dans le giron de la commune. Toujours sans débat préalable.
L’addition de ces choix entre septembre 2024 et aujourd’hui dessine une stratégie réfléchie, jamais débattue en Conseil, qui sera poursuivie par la nouvelle Maire, Marie-Françoise Roger, à savoir la volonté des élus majoritaires de se débarrasser de tout ce qui demande du contrôle et de l’expertise de la part de la Mairie sur des secteurs essentiels à la commune. Une défausse nourrie un peu plus encore des difficultés pour les équipes en place à faire face à la gestion du personnel, au point qu’une grève a éclaté à l’Ehpad au printemps 2024 et qu’à la déchetterie, un employé a entrepris une grève de la faim pour faire reconnaître ses droits.
Tout se passe comme si la Mairie se résignait à perdre toutes ses responsabilités les unes après les autres au risque de renoncer à maitriser l’avenir de sa commune au prétexte que la gestion est trop lourde à porter. La nouvelle Maire l’a d’ailleurs reconnu lors du dernier conseil municipal
(le 26/06/2025) : « Nous n’avons pas les compétences en interne pour faire face à ces difficultés » a-t-elle expliqué en réponse à nos questions sur l’avancé du projet de privatisation. Etrange réponse ! Depuis 2017, année d’ouverture de l’Ehpad, la direction de l’établissement n’aurait pas eu l’occasion de s’entourer de professionnels compétents en matière de gestion financière et de gestion du personnel ? Surprenant ! Et qu’a fait la mairie pour pallier ces défaillances ? Selon nous, élus de l’opposition, il faudrait d’abord répondre à ces questions avant de se tourner vers un repreneur privé.
Privatiser les services publics c’est en perdre le contrôle
Bref, cette stratégie qui ne dit pas son nom de « privatisation des services municipaux », nous n’en voulons pas. Pourquoi notre opposition? Parce qu’elle prive la municipalité, et partant de là les citoyens qui l’ont élue, du droit d’agir sur son territoire. Nous l’avions dit et écrit lors de l’appel d’offre destiné à relancer le VVF, nous l’avons répété lors de l’arrivée du groupe Véolia dans la gestion de la déchetterie. Sans succès, tant les trois élus de l’opposition sont minoritaires au sein du Conseil. Ce qui ne nous empêche pas de dire encore plus clairement aujourd’hui à propos de l’Ehpad, « Non à sa privatisation !». Ou en tout cas sans que tout ait été tenté pour trouver des solutions en vue d’un retour à l’équilibre de son budget.
Pourquoi (re)lançons-nous cet appel aujourd’hui ? La Mutualité a dépêché ses experts en reprise d’EHPAD en difficulté pour évaluer la situation. C’est dire si les événements s’accélèrent. Il y a quelques jours, ils se sont rendus à Groix et sont repartis chargés de cartons contenant tous les documents nécessaires à leur décision. Le redressement de la situation est-il possible et faut-il changer l’encadrement ? Qui ou quelles instances combleront le déficit accumulé ? L’absentéisme est-il spécifique à notre position géographique d’île ou bien est-il la conséquence d’’un climat social exécrable ? Ou bien les deux. Voilà les questions auxquelles ils cherchent des réponses. Selon nos informations, il est peu probable qu’ils reprennent l’établissement et son passif en même temps, selon le vieux principe de l’économie libérale repris à son compte par l’économie sociale qu’incarne la Mutualité: «nationaliser les pertes et privatiser les gains ».
Ça n’est pas la première fois que nous tirons le signal d’alarme. On peut même dire que les résultats de l’audit de l’Ehpad que nous avons demandé et obtenu grâce au soutien de nos élus du département à la suite de la journée de grève du mois de février 2024, nous ont confortés dans notre analyse de la situation. En effet, dans son rapport, le cabinet spécialisé qui a mené les entretiens conclut : « les collaborateurs ont le sentiment qu’ils ne sont pas suffisamment soutenus par leur encadrement, écrit le cabinet (…) et qu’ils estiment n’être pas payés et valorisés à la hauteur des efforts qu’ils fournissent . (…) La situation, bien que préoccupante, n’a pas encore atteint un seuil critique pour la majorité des collaborateurs. Toutefois, une pérennisation de ces difficultés pourrait entraîner des conséquences plus graves sur leur santé mentale.
La décision déjà prise ?
Qu’en termes diplomatiques une mise en cause de la gestion des ressources humaines est dite ! À notre connaissance, aucune réforme majeure dans l’organisation n’a été engagée depuis. Au point que nous, élus d’opposition, avons interpellé le maire lors du conseil du 10/04/2025 : « Vous semblez vous orienter vers un transfert de gestion en direction du privé. Cette solution nous semble précipitée », avions-nous déclaré. « Avez-vous exploré toutes les autres solutions pour résoudre la crise financière et sociale dans laquelle se trouve l’EHPAD ? La précipitation actuelle laisse penser que la décision est déjà prise. »
À quoi le maire nous a répondu (extraits du compte rendu officiel de la séance) : «Le Maire dit qu’il est épuisé par cette histoire. Il dit qu’ il y a un taux d’absentéisme très important (autant de personnes absentes que de présentes). À ce jour il y a 50 bulletins de salaires alors que le nombre devrait être à 33 équivalents temps plein.
Le Maire dit qu’il y a eu 5 changements de directeur et que c’est toujours pareil. » Ce qui est factuellement faux puisque l’actuelle directrice est en place depuis l’inauguration des bâtiments. Le maire poursuit : « Les arrêts de travail démarrent le vendredi à 17h pour une reprise le mardi à 17h .
Le Maire dit que le déficit est de 500 000 € et qu’il ne sait pas comment faire à part la privatisation, mais pas à un grand groupe. Il dit que la Mutualité gère déjà 10 EHPAD sur le Pays de Lorient et que les échanges sont en cours.
Le Maire dit que la commune participera sans doute.
Le Maire dit que quatre lits ont été fermés pour alléger le personnel qui est fatigué et ça fait des recettes en moins »
A propos du déficit estimé en avril à hauteur de 500.000 euros, il a été annoncé à 830.000 euros lors du conseil de juin sans plus d’explication. Quel est le vrai montant ? Cette valse des centaines de milliers d’euros n’est-elle pas le premier signe qu’il faut tout remettre à plat avant de se tourner vers un repreneur ? Au lieu de servir d’argument à l’urgence de se débarrasser d’un problème, certes complexe à gérer, mais qui doit rester dans le service public, quitte à en payer le prix. Pour rafraichir les mémoires, rappelons que lors de l’inauguration de l’Ehpad en 2017, le maire avait tenu à inviter le premier Ministre Manuel Valls qui avait bien perçu que l’insularité obligeait la commune à se doter d’un Ehpad public. Moyennant quoi, ce jour-là, il avait annoncé une dotation de 503.000 euros annuelle pour compenser les contraintes de l’insularité. Il serait peut-être bon de s’en souvenir.