Archives de catégorie : vie économique

Transports maritimes : une Délégation de Service Public sans le public

Dans quelques semaines, la DSP (Délégation de services publics) accordée en 2014 à Transdev-Compagnie océane (ancienne Veolia Transport) sera renouvelée à… Transdev-Compagnie océane. La compagnie maritime l’a annoncé dans un communiqué avant même que le conseil régional de la Région Bretagne n’ait confirmé le choix lors de la séance du 7 novembre prochain. Depuis le 24 mai dernier, Transdev était en concurrence avec Brittany Ferries qui manifestement n’a pas convaincu. Comment s’est opéré le choix ? Quel cahier des charges a été proposé ? Les besoins des populations de Groix, de Belle-Ile, de Houat et de Hoëdic ont-ils été pris en compte ? Que deviennent les demandes et propositions du personnel de la compagnie océane dont le syndicat CFDT aurait préféré l’autre candidat « un véritable armateur » estime-t-il (Ouest France le 31/10) ? Rien n’a filtré du côté de la région malgré les demandes répétées des élus de tout bord. 

Secret militaire?
Tout se déroule depuis le début de l’année 2022 dans l’opacité la plus épaisse comme si la question du transport maritime entre le continent et les îles relevait du secret militaire. Pis, ni le public ni le personnel n’ont été consultés, ou tout juste pour la forme à travers un questionnaire minimal et sans suite . Et si l’on en croit notre maire Dominique Yvon qui l’a affirmé en réponse aux questions répétées de l’opposition, même les élus locaux n’ont pas été sollicités de manière constructive. De lui-même, sans s’appuyer sur les usagers qui n’ont pas été consultés, il a pris l’initiative d’adresser un courrier au président de la Région contenant une quinzaine des demandes touchant principalement aux tarifs. A-t-il été entendu ? Mystère.

Tout cela montre en fait qu’aucune leçon n’a été tirée du mouvement de 2014 lorsque la population des îles du Morbihan s’est dressée contre la DSP. Comment peut-on imaginer mettre en place une délégation de service public sans le public ? 

Si nos élus avaient écouté les usagers et les marins, ils auraient détecté, par exemple, ce qui nous semble être deux problèmes majeurs à traiter dans la nouvelle DSP. En premier lieu, il s’agit des conditions de transport des marchandises qui impactent lourdement la vie économique de l’île. Jadis les entreprises locales bénéficiaient d’un tarif insulaire et préférentiel. Pourquoi n’en bénéficient-elles plus aujourd’hui alors que le volume et la nature des marchandises ne cessent d’évoluer sur un Breiz Nevez inadapté à ces conditions contemporaines et à la flambée des prix ? 

En second lieu nous pensons que la sécurisation des rotations par la disponibilité réelle d’un bateau de réserve en cas de panne n’est pas assurée. Pour preuve, voici le récit d’un incident survenu durant le week-end de l’Ascension 2022 au cours duquel plusieurs milliers de passagers auraient pu rester à quai. 

Le St-Tudy en réserve mais en panne depuis 2 ans

Les deux îles de Belle-Ile et de Groix disposent chacune d’un bateau de réserve, l’Ile de Groix  pour la première et le St-Tudy pour la seconde. Si l’Ile de Groix  est opérationnel (il vient en renfort du Breiz Nevez sur la liaison Groix-Lorient aux périodes d’affluence), il en va tout autrement du St-Tudy à quai depuis deux ans pour cause de réparation. Ce qui veut dire qu’en cas de panne d’un des bateaux desservant régulièrement une île, le bateau de réserve prend le relais. Et si le bateau de réserve est en panne, les liaisons s’arrêtent. Il s’en est fallu d’un cheveu pour que ce scénario noir se noue le week end de l’Ascension. Les élus locaux ont-ils crié au scandale dans la presse locale ? Non. Selon nos informations c’est d’ailleurs à ce type de discrétion qu’ils doivent leur peu d’influence auprès de la Compagnie, à la différence des élus de Belle-Ile qui ne manquent jamais une occasion de monter publiquement au créneau. « On a l’impression que tout se décide à Belle-Ile » nous confié un capitaine habitué de la liaison Groix Lorient. 

Que s’est-il donc passé ?  Le bateau régulier de Belle-Ile, le Bangor connaissait depuis quelques temps une panne intermittente due à une pièce défectueuse. Pour assurer le bon fonctionnement du Bangor (24000 passagers sont attendus pour ce pont de mai), deux jours avant l’Ascension, il a été décidé de prélever une pièce de remplacement sur l’Ile de Groix(IdG)  qui en échange recevrait la pièce capricieuse, malgré les réticences du capitaine de l’IdG. Ce qui fut fait, alors que l’IdG était en service sur sa ligne pour cause d’affluence cette semaine-là. Le premier jour la pièce tient, le second elle commence à tousser, et le soir du jeudi de l’Ascension, elle tombe sévèrement en panne. A lui seul le Brez Nevez ne peut assurer le passage des 12000 personnes prévus sur 4 jours. La compagnie océane est dans l’impasse. Il aura fallu un coup de génie du chef mécanicien pour que, contre toute attente, une réparation fiable soit effectuée. Le public ne s’est aperçu de rien, le scandale a été évité. Mais à ce jour le St-Tudy n’est toujours pas opérationnel. Et le public toujours à la merci d’une catastrophe. 

Et c’est à une compagnie qui laisse un bateau de réserve en souffrance au mépris de la continuité du service public qu’on va confier la nouvelle DSP ? Rendez-vous le 7 novembre prochain au Conseil Régional de Bretagne où le public découvrira enfin l’ensemble du dossier. 

Activité touristique 2020 – Perspectives économiques 2021 (2 sur 2)

Épisode 2 : Et maintenant ?

Avril 2021 : voici une année écoulée et malgré le second confinement, puis le couvre-feu et les nouvelles restrictions de déplacement, trop de commerces doivent garder le rideau baissé. La vie culturelle est en suspens, sans visibilité sur les délais et les conditions de reprise d’activité.

En octobre dernier, les professionnels de Groix commentaient la saison 2020 (voir épisode 1 décembre 2020). Quelle est la situation aujourd’hui, comment se portent les gens, économiquement et moralement ? Comment se préparer à rouvrir, à réembaucher, à respecter les gestes barrières ? Quelles consignes respecter ?

Quelle communication la commune prépare-t-elle en direction de la population, des commerçants et des estivants, qui seront certainement très nombreux à venir, au vu des nombreuses demandes de réservation auprès des hébergeurs et de la compagnie Océane, afin que l’accueil et la vie insulaire se déroulent dans de bonnes conditions ?

Quel accompagnement est mis en place par la commune auprès des professionnels ?

Si les actions récentes liées à la situation sanitaire étaient prioritaires,  il ne faut pas occulter la nécessité de mettre en place une véritable politique touristique et économique, tenant compte de la nouvelle donne générée par la pandémie et ses conséquences. Nous voulons voir renaître une politique de tourisme durable et responsable, en concertation avec tous les acteurs locaux, et les partenaires de l’agglomération du pays de Lorient (CTRL[1], Office de Tourisme), la CCI[2], la Compagnie Océane, l’AIP[3], le département et la région. Les enjeux sont nombreux : maintien des commerces et des emplois, hébergement des saisonniers, gestion de l’offre et de la demande en fonction des flux touristiques, gestion de l’information et de la communication, ainsi que le développement du transport local et la gestion des déplacements en toute sécurité, comme acté par le PLU[4].

L’année passée, les pics de sur-fréquentation ont montré les limites au-delà desquelles les conditions de vie et la sécurité se dégradent. Sans politique de tourisme économique durable, nous risquons de revivre les mêmes désagréments de façon trop récurrente.

À courte échéance, quel comportement collectif adopter ? Quel accueil légal pratiquer dans nos hébergements, dans nos commerces ? Par exemple, quid de l’hébergement des salariés temporaires  sur l’île ? Pourrait-on avoir un référent en mairie, auprès de qui obtenir les  informations officielles et des réponses à nos questions ?

Martine Baron, Étienne Durup

  1. CTRL : Compagnie de Transport de la Région Lorientaise
  2. CCI : Chambre de Commerce et d’Industrie
  3. AIP : Association des îles du Ponant
  4. PLU : Plan Local d’Urbanisme (voté en décembre 2019)

Activité touristique 2020 – Perspectives économiques 2021 (1 sur 2)

Épisode 1 : la réunion du 5 octobre

Lundi 5 octobre, se tenait une réunion de bilan touristique entre professionnels et élus locaux, à la salle des fêtes. En préambule, le maire a énoncé les chiffres de fréquentation de la compagnie Océane(1) puis laissé la parole aux acteurs économiques, présents dans la salle (restaurateurs, cafetiers, hébergeurs, commerçants, compagnie maritime (Escale Ouest), notamment.

L’unanimité s’est faite sur le constat de sur-fréquentation touristique en juillet, apportant certes un confort financier pour lisser la trésorerie à l’issue du premier confinement, mais apportant aussi d’importants désagréments. (mobilité : bourg et routes de l’île ; problème d’offre/demande ; problème de logements saisonniers ; incivisme ; absence de communication…). Des pistes de réflexion ont été suggérées parmi les professionnels comme :

  • revoir les heures de bourg piéton ;
  • améliorer et développer le transport public local ;
  • communiquer sur le bateau et par flyer.

« Et après, que fait-on ? »

Question posée en fin de réunion, restée sans réponse.

Si aujourd’hui, la fermeture des commerces considérés comme n’étant pas de première nécessité est au cœur des préoccupations, il n’en reste pas moins qu’une réflexion durable sur la politique touristique doit être menée.

Force est de constater, que la plupart des entreprises et commerces, dépendent fortement de l’activité touristique sur une trop courte période, même si les îles sont de plus en plus fréquentées sur les périodes de petites vacances scolaires.

Les nombreuses difficultés communes à l’ensemble des îles ont montré les limites de nos territoires en matière d’accueil dans les hébergements et restaurants, y compris pour les personnels saisonniers ; les enjeux sont évidemment économiques, mais également, qualitatifs, quantitatifs et sécuritaires.

Objectif : s’organiser et ne pas subir pour le bien être de tous ; facile à dire, mais facile à faire ?

En tous les cas, sans concertation durable entre élus, professionnels, partenaires touristiques (compagnie Océane, Lorient Agglomération) et usagers, il sera difficile de faire face aux aléas d’une fréquentation touristique non maîtrisée.

(1) Source : Ouest-France du 13-08-2020 « nombre de traversées en forte augmentation – […] Cette tendance […] touche l’île de Groix où 72797 passagers se sont rendus avec la compagnie Océane en juillet 2020 contre 63069 en juillet 2019 (+ 15.4%) et 60072 en juillet 2018 (+ 21.2%) »