L’heure approche où la décision concernant le repreneur du bail lié au site du VVF va être prise. En effet, un conseil municipal presque entièrement consacré à ce sujet a été convoqué pour le 30 janvier prochain. Bien que nous connaissions le détail des options qui vont être proposées au vote du conseil, puisque nous avons participé aux débats de la commission chargée d’instruire le dossier, le système d’appel à projets nous interdit d’en faire état avant le choix final sous peine de fausser la procédure. Dommage, la population mériterait de participer d’un peu plus près au choix, tant il en va de l’avenir de la nature du tourisme sur l’île de Groix. Néanmoins, pour ceux qui se sentent concernés, reste la possibilité d’assister au Conseil du 30 janvier à 17 heures à la salle des Fêtes. Nous leur promettons un débat animé. Nous les invitons donc à venir nombreux ce soir-là.
Les conditions de l’information étant posées, nous pouvons tout de même faire le point sur les enjeux du choix.
Quels sont les enjeux ?
L’appel à manifestation d’intérêt rendu public en mai dernier est précis sur l’objectif du projet: « L’objectif, conformément à la volonté de l’équipe municipale, est de rendre l’équipement plus attractif, plus dynamique tout en conservant sa vocation tournée vers un tourisme familial et social. » Mieux encore, unanime, l’équipe municipale a réaffirmé sa volonté de rester propriétaire du terrain, le but étant non seulement de préserver le patrimoine de la commune (surtout quand il a la valeur du site du VVF), mais aussi de garder un minimum de contrôle sur l’évolution du projet. En cela, le nouveau projet renoue avec l’esprit des fondateurs du site, principe rappelé par la CRC (Chambre régionale des comptes) qui – dans son rapport sur la gestion de la commune de Groix – s’est penchée sur la situation du VVF. Pourtant, le rapporteur écrit : «Le VVF, un équipement phare dans un site exceptionnel dont la vocation sociale a été perdue de vue. » Ce qui en clair signifie que l’objectif initial a été oublié… sans que personne, et en particulier la mairie, ne s’en soucie. Un diagnostic que confirme un autre rapport de la CRC paru le 23 janvier 2023, consacré aux îles bretonnes. On peut y lire : « À Groix, la gestion de plusieurs équipements importants de la commune devrait être améliorée, le positionnement et l’avenir de certains restant en attente de définition. (…) Un exemple, le « village vacances familles » (VVF) de l’île, géré par l’association éponyme est resté plusieurs années en attente d’une décision quant à son devenir, le bail commercial étant régulièrement prorogé. La commune, qui n’a pas anticipé les nécessaires travaux de remise en état, a conclu différents avenants, sans qu’un projet n’émerge clairement avant 2022. Le suivi de ce dossier est depuis longtemps lacunaire, tant du point de vue administratif que financier, avec notamment un loyer assez faible perçu par la commune. »
Trente ans, ça fait un sacré bail
Quel est le sens de ces diagnostics ? Tout simplement que les trente années du bail précédent sont bien longues, que quatre équipes municipales se sont succédé, et qu’à force, en l’absence d’un cadre juridique fort, les bonnes intentions finissent par s’oublier.
Voilà donc le premier enjeu de ce nouveau bail : garantir la pérennité des objectifs de départ concernant les caractéristiques du tourisme, souhaité comme restant familial et social. La municipalité doit pouvoir exercer un contrôle sur l’évolution du projet, ce que suggère en creux la Chambre régionale des comptes.
Un tourisme durable
Le deuxième enjeu concerne les liens avec le territoire. Voulons-nous un hôtel-club haut de gamme, sorte de club Med fermé sur lui-même, disposant d’une plage merveilleuse au pied de son site, et de tous les services à domicile nécessaires aux vacanciers (restaurant, location de vélos, animations, spectacles, etc.) ? Ce qui aurait comme conséquence l’isolement du village de vacances du reste de l’île, de sa population et de son économie ? Ou au contraire voulons-nous « un tourisme durable », capable d’irriguer l’économie locale, respectueux de l’environnement, pourvoyeur d’emplois durables ? Notre préférence va à la deuxième hypothèse.
Enfin, le troisième enjeu concerne les retombées financières directes pour la commune. Dans son rapport de mai dernier, la CRC note que depuis l’ouverture du site en 1975, le loyer versé est calculé « à hauteur des emprunts contractés par la commune (2 millions d’euros) soit 23 371 euros/an, sans compter la prise en compte d’un emprunt à venir pour couvrir les travaux de rénovation ». Problème : plus le montant de l’emprunt restant à rembourser devient faible, plus le loyer diminue, jusqu’à être égal à zéro à partir de 2018. Il a fallu attendre deux ans pour qu’une nouvelle prolongation du bail permette de rétablir un loyer. La CRC note : « La commune n’a pas anticipé les conséquences du rattachement direct de la redevance aux remboursements des emprunts.. Ainsi la commune n’a pas financièrement tiré profit de son investissement, si ce n’est éventuellement au travers des retombées économiques sur l’île, comme si elle l’avait loué à n’importe quel autre partenaire, le dispositif ayant surtout profité à l’association gestionnaire. »
Dès lors le futur contrat sera particulièrement délicat à rédiger puisqu’il lui faudra anticiper les évolutions pour les trente années à venir. Le recours à des avocats spécialisés s’annonce nécessaire pour ne pas retomber dans les erreurs du passé et garantir à la commune un droit de regard sur la gestion commerciale du site
Voilà donc ce qui va déterminer le choix du conseil. Les arguments sont prêts, pas sûr que majorité et opposition soient sur la même longueur d’ondes.